L'infortunée de Wesley STACE
Grimoire, Grimoire, dis-moi qui est la plus belle...
Imaginons une demeure noire et tentaculaire au coeur de l'Angleterre prévictorienne : un jeune lord célibataire, vertueux et efféminé trouve un jour par hasard dans les bouges de Londres un paquet contenant un nouveau né. Il voit dans cette découverte une double providence : celle d'une succession pour la grande famille des Loveall à qui il se sent incapable d'offrir un héritier, mais surtout une enfant de substitution pour remplacer sa jeune soeur précocement décédée et dont il reste inconsolable. Voici donc Rose, enfant parfaite, merveille de beauté et de grâce enfantine, que Geoffroy élève dans la plus haute tradition aristocrate. Seulement, ce que Geoffroy ne veut pas voir et impose à tous comme un principe irréversible, c'est que Rose n'est pas une fille. Rose est un garçon.
Comment advenir au monde lorsqu'on est triplement bâtard, enfant de substitution et inverti ? L'infortunée de Wesley Stace retrace l'éveil, la déchéance, et la renaissance de ce héros destiné au désastre. Que le lecteur soit d'emblée averti : ce roman n'est pas un plaidoyer, ni un traité prosélyte, ni une défense et illustration de la culture gay, que sais-je ? Le récit a l'intelligence de se tenir au-dessus des questions morales et interroge, plus largement, sans racolage ni auto-justification, nos programmations familiales, la difficulté d'hériter des névroses non résolues des nôtres et de s'en émanciper pour trouver une manière d'identité et d'équilibre.
La narration à la première personne invite à entrer en empathie avec les douleurs graves et dignes de ce héros déchu que pas un instant le lecteur ne saurait juger, tant l'univers décrit l'est toujours par la perception, la sensation plus que par l'analyse. C'est en ce sens que l'univers romanesque est entièrement préservé. Dans ce roman ce sont les lieux qui prennent en charge la psychologie : tantôt ventre de conventions, tantôt maison de poupées entretenant les rêves d'enfant des adultes, cabinet de curiosités, prison dorée, crypte ou tour de Babel, la propriété des Love Hall est un antre gothique et caméléon qui nourrit, dévore et digère les créatures qu'elle met au monde. Plus qu'un roman à clé sur l'inversion sexuelle, l'Infortunée est un grimoire à combinaisons multiples ouvert sur nos libres, secrètes et nécessaires métamorphoses.
A lire vraiment. @ameleia.
Weslay Stace, L'Infortunée, Editions j'ai lu, 605 pages, 2008
à B. - en souvenir d'une ancienne romance - à qui il m'échut un soir de faire la lecture pour l'endormir et qui m'offrit donc un extrait de cette histoire pour ambrer ses songes...

La narration à la première personne invite à entrer en empathie avec les douleurs graves et dignes de ce héros déchu que pas un instant le lecteur ne saurait juger, tant l'univers décrit l'est toujours par la perception, la sensation plus que par l'analyse. C'est en ce sens que l'univers romanesque est entièrement préservé. Dans ce roman ce sont les lieux qui prennent en charge la psychologie : tantôt ventre de conventions, tantôt maison de poupées entretenant les rêves d'enfant des adultes, cabinet de curiosités, prison dorée, crypte ou tour de Babel, la propriété des Love Hall est un antre gothique et caméléon qui nourrit, dévore et digère les créatures qu'elle met au monde. Plus qu'un roman à clé sur l'inversion sexuelle, l'Infortunée est un grimoire à combinaisons multiples ouvert sur nos libres, secrètes et nécessaires métamorphoses.
A lire vraiment. @ameleia.
Weslay Stace, L'Infortunée, Editions j'ai lu, 605 pages, 2008
à B. - en souvenir d'une ancienne romance - à qui il m'échut un soir de faire la lecture pour l'endormir et qui m'offrit donc un extrait de cette histoire pour ambrer ses songes...