Mireille HAVET, Journal 1924.1927
Comment ne pas évoquer celle qui court et veille à mon chevet depuis plus d'un mois, qui me souffle des murmures, presque des baisers pour que je la lise quand même le sommeil me domine... Ecrire sur Mireille Havet est pour l'instant trop difficile, son écriture m'est trop familière, provoque des excitations trop profondes et connues pour que j'envisage une quelconque mise à distance...
Voici donc quelques extraits de cette enfant terrible des années folles, amie de Cocteau et d'Apollinaire, génie libertaire, androgyne et cocaïnomane, dandy voyageuse, amoureuse folâtre et tragique dont je n'arrive toujours pas à comprendre qu'elle demeure aujourd'hui si méconnue.
A la lire, je reste saisie par l'impulsivité de l'écriture d'une infinie sensualité, excessive et maîtrisée, envoûtée et caressante. Et cet art du journal que je lis en réalité comme un roman... que je lache non parce qu'il m'ennuie mais parce que sa charge émotive me bouleverse ... Dans le cénacle des femmes en monocle, Mireille Havet est plus scabreuse que Renée Vivien, plus érotique que Colette, plus mystique que V. Woolf et aventurière que Annemarie Schwarzenbach...
«Aller au-devant, rompre, ne rien admettre, détruire et rejeter tout ce qui, même de très loin, menace une seconde l'indépendance, voici mes lois. Ce n'est pas une politique de la conciliation, c'est exactement une révolte. Je ne mangerai pas de votre pain. Je serai abracadabrante jusqu'au bout.»
« L'étrange privilège de se qualifier poète parmi les hommes. Se qualifier poète n'implique aucune prétention. Il ne s'agit pas là de talent. L'état de poète ne prouve pas que l'on écrive des chefs- d'oeuvres, ni que la gloire nous soit destinée. Il ne s'agit que de défauts de caractère, de tendresse, d'une prétention à l'amour et aussi à certaines solitudes et mésententes humaines.
Je souffre d'aimer trop et que l'on m'aime. Je souffre d'être si exigeante et si difficilement heureuse. Je souffre de cette différence qu'il y a entre le vie quotidienne et celle que j'imagine. Je suis incorrigible et ne me résigne à aucun arrangement. » extrait p. 81 Journal 1924.1927.
Je dois cette trouvaille à mon amie Solenn, que j'embrasse à coup sûr !