Rentrée littéraire en marge : Laver les Ombres de Jeanne BENAMEUR

Publié le par Ameleia


L'oeuvre de Jeanne Benameur explore et interroge sans relâche la question de L'Autre. Chacun de ses récits met en scène des personnages déracinés, étrangers au monde qui les entoure, soit parce qu'ils sont d'une autre langue, d'une autre culture, soit parce qu'étrangers à eux-mêmes, ils se sont d'eux-mêmes mis en marge. Dans tous les cas, la seule solution possible au désenclavement est l'altérité contenue dans la rencontre, par l'échange  lent, apprivoisé de la transmission et du langage. 

Dans  Laver les ombres, il ne s'agit plus d'une exclusion sociale. La question de l'Autre est tournée cette fois vers l'intimité : Jeanne Bénameur explore  l'étrangeté réciproque de l'âme et du corps à travers deux femmes, mère et fille. La mère, Romilda,  prostituée pendant la guerre par l'homme qu'elle aime et dont elle aura Léa, garde enfoui en elle le secret terrible du passé et de l'image monstrueuse du père.  Léa, chorégraphe, tente par les métamorphoses du corps dansé d'apprivoiser le silence dans lequel elle est tenue. Le secret est un démon forclos qu'il faut charmer par les rites et les cercles de la danse. Danser c'est enchaîner le vide, sculpter le silence de la mère. Surtout, contre le corps vendu, horizontal de la mère soumise, immobilisée aux assauts des hommes, Léa oppose la maîtrise absolue du sien, la pureté des lignes toujours mobiles, corps façonné par l'exigence de l'art, lui aussi offert aux regards étrangers du public, mais toujours mobile, inaccessible, en ligne de fuite. 
Dans ce ballet du verbe celé et du corps dressé, comment donner sa place au plaisir,  à l'amour ?  L'histoire va commencer comme ça : le jour où l'amant, qui est peintre, place Léa en situation de modèle. Pour la première fois immobilisée, nue, en posture d'objet, expatriée des caresses de son amant et de la fuite du passé par la danse, elle craque. Elle va trouver sa mère qui  avoue alors l'imprononçable secret. 
    Au delà des corps, du temps, Jeanne Bénameur nous rappelle que seul le langage peut délivrer. Le récit prend la forme d'une geste épurée, s'écrit dans une langue fragmentaire qui puise sa poésie aux sources de l'oralité. Le lecteur, comme les personnages,  doit se faire migrant, doit tisser des liens entre les tableaux évoqués, nourrir de sa propre histoire les images ébauchées pour construire le sens et toucher la profondeur implicite de l'écriture.  
    La langue de Jeanne Bénameur est comme toujours  magnifique, entre le dit et le silence ; elle rend hommage une fois encore aux mères, au berceau de l'identité et de la langue. 

@ameleia.
 
Jeanne BENAMEUR, Laver les ombres, Actes Sud, 2008, 159 pages

Pour découvrir Jeanne BENAMEUR lisez absolument Les Demeurées.


Quatrième de couverture

La mère, La Varienne, c'est l'idiote du village. La petite, c'est Luce. Quelque chose en elle s'est arrêté. Pourtant, à deux, elles forment un bloc d'amour. Invincible. L'école menace cette fusion. L'institutrice, Mademoiselle Solange, veut arracher l'enfant à l'ignorance, car le savoir est obligatoire. Mais peut-on franchir indemne le seuil de ce monde ? L'art de l'épure, quintessence d'émotion, tel est le secret des Demeurées. Jeanne Benameur, en dentellière, pose les mots avec une infinie pudeur et ceux-ci viennent se nouer dans la gorge.

 

 

 

 

Je dédie cet article à mon amie BETTY amoureuse lectrice et amoureuse de théâtre, qui m'a fait découvrir Jeanne Benameur. Voici le lien de son théâtre "LE PETIT VELO", réservoir de joyaux vivants et interlopes. Un pied de nez à ceux qui pensent qu'il n'y a pas de vraie vie culturelle à Clermont.

http://lepetitvelo.ovh.org/

 


Publié dans Jeanne BENAMEUR

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P
http://madame. lefigaro. fr/culture/ enquetes/ 355-le-petit- monde-d-amelie- nothomb<br /> <br /> Voici le lien, regarde les pages suivantes pour voir les les 3 photos ^^
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