Dans la main du diable d'Anne-Marie GARAT.

Publié le par Ameleia


                                                                                            ATTENTION SAGA !

    Gabrielle est une jeune femme d'un romantisme entêtant. Un jour de septembre 1914, elle apprend le mystérieux décès de son fiancé Endré. Comment accomplir  le deuil quand on ne possède de l'être disparu ni tombe, ni cause du décès, qu'on vous octroie seulement un vague fonctionnaire d'état pour expédier des condoléances et vous remettre, comme seule relique, une caisse de nippes informes ? Comment survivre à une attente inachevée ? C'est à partir de cette question du deuil impossible que va se construire l'intrigue.
    Gabrielle enfile les gants souples de l'enquêtrice et se lance à la recherche du passé. En espionne fébrile, elle s'improvise alors institutrice dans la famille Bertin-Galay,  prototype tentaculaire de la bourgeoisie née  de la révolution industrielle, dont l'un des fils a sans doute connu Endré. Une quête désespérée, un absent, une famille protocolaire formidablement morcelée par la névrose même du protocole, c'est assez pour donner le cadre et l'élan d'un roman pieuvre qui fouille et caresse de la plus belle langue la société française de 1914.
    Voici le monstre :  plus d'un kilo en poche,  1287 pages pour une période qui va de Septembre 1913 à Septembre 1914. Pourtant ce n'est pas une recherche du temps mais plutôt un panorama, une circulation dans la France d'avant guerre dont chaque personnage est à la fois le sang et l'artère. Il y a Dora, meilleure amie, pianiste virtuose, belle virago d'avant garde qui ouvre le paysage du Paris musicien, de ses bohèmes et des premiers sursauts féministes. Il y a Michel Terrier le fonctionnaire d'Etat, amoureux trouble autant qu'agent double, espion monomaniaque au profil inquiétant d'inspecteur Javert. A  sa charge de laisser voir les secrets d'Etat et de la menace de guerre. Il y a Pierre Galay le fils, beau rat ténébreux de laboratoire, soudain élevé à la passion brutale du désir, qui nous embarque dans les découvertes scientifiques du début de siècle et la tentation des premières armes bactériologiques. Que dire de Madame Mathilde, patronne au sommet des biscuits Bertin-Galay, matriarche à tentacules,  reine caféinomane et icône méchante de cette bourgeoisie industrielle qui a sacrifié ses enfants pour préserver les piliers froids de la prospérité et des apparences. Quelle merveille enfin que ce balai des bonnes de la maison du Mesnil, confection attachante et incontournable qui scelle cette très complète comédie sociale. 
    Mais mon inventaire est vil et vain tant la fiction entremêle, comme seul le grand roman balzacien sait le faire,  l'intrigue, la peinture d'une époque et l'évolution lente et subtile des personnages. Jamais roman contemporain n'aura eu autant le culot de prendre son temps, d'entrer dans la jouissance du récit, de l'art de raconter une histoire, de faire souffrir, aimer, jouir un personnage, de faire revivre une époque avec le réalisme et l'attention de myope des grands romanciers classiques et en même temps avec la fluidité évidente du cinéma. Dans la main du diable est une vraie saga au sens classique et noble du terme, avec ses secrets de famille chevillés aux secrets d'état, ses mésalliances, ses affrontements de classes, son ironie tragique,  ses personnages traversés d'obsessions, que l'auteur promène comme un miroir sur les décors de l'avant guerre.
    Entre lyrisme et réalisme, c'est une écriture somptueuse, classique dans sa facture, moderne par la jouissance pure qu'elle peut tirer d'elle-même, populaire par sa fluidité et sa sensualité.

Coup de coeur absolu. A lire sans aucune réserve. 

©ameleia.

A voir aussi cette interview passionnante de l'auteure sur Auteurs TV :


http://auteurstv.blogspot.com/search/label/Anne%20Marie%20Garat


Publié dans Anne Marie GARAT

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D
Bonjour, je confirme que ce long roman se lit bien car AM Garat a une belle écriture que l'histoire est passionnante (mon billet du 5/06/08). Il paraît que la suite rencontre des avis mitigés. J'attends sa sortie en poche. Bonne journée.
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A
<br /> je n'ai pas lu le deuxième tome... merci de ta visite <br /> <br /> <br />